Descente de police chez les Doukhobors
CHRISTIAN COMMUNITY OF UNIVERSAL BROTHERHOOD LTD.
SIÈGE SOCIAL — VERIGIN, Sask.
BUREAU PRINCIPAL – BRILLIANT, C.-B.
13 avril 1925.
Honorable W. L. McKenzie King,
Premier ministre du Canada,
Ottawa, Canada.
Monsieur,
Veuillez trouver ci-joint copie du télégramme que nous vous avons fait parvenir le 11 avril de Grand Forks, en complément duquel nous décrivons plus en détail dans cette lettre le comportement barbare de la police provinciale et de son chef, l’inspecteur Dunwoody.
Le 10 avril, la police de Grand Forks se préparait bruyamment à envahir les Doukhobors, leurs voisins, des gens paisibles, parce que les enfants doukhobors ne vont pas à l’école anglaise. À environ dix heures, le 11 avril, plusieurs automobiles et camions remplis de monde à pleine capacité se sont amenés à grande vitesse à la colonie doukhobor en soulevant tellement de poussière qu’on aurait dit un ouragan. Précédant les automobiles, il y avait des hommes à cheval arrivant comme la cavalerie. Ils ont rapidement entouré l’entrepôt doukhobor qui est situé en périphérie de la ville. Cet entrepôt contenait des produits comestibles et était également utilisé comme un bureau. Cette meute de bourreaux armés de revolvers, de fouets, de tuyaux de caoutchouc et de manches de pic, environ cent cinquante hommes menés par l’inspecteur Dunwoody, a dévalisé l’entrepôt et le bureau, prenant tout ce qu’ils trouvaient : toutes sortes de marchandises, des pommes de terre et autres produits comestibles, des meubles, une machine à écrire, un coffre-fort, des livres, des lettres d’affaires et des documents. L’entrepôt contenait également des produits appartenant à la famille de W. Koochin qui habite au-dessus de l’entrepôt : de la farine, des pommes de terre pour manger et pour planter, de la farine d’avoine, des pois et des haricots, des ustensiles de cuisine et des vêtements. L’épouse de monsieur W. Koochin a supplié en pleurant les bourreaux de leur laisser des vêtements et ils lui ont lancé une partie des vêtements mais ils ont emporté le reste ainsi que les malles. L’entrepôt et le bureau ont été dévalisés pendant quatre heures, plus de vingt camions ont été chargés et les marchandises envoyées à Grand Forks. Ils ont pris non seulement des produits comestibles mais aussi des pots de verre pour les conserves.
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À trois heures de l’après-midi en ce même jour, la même bande s’est rendue au village doukhobor situé à environ deux milles de la ville et ont commencé à piller le moulin à farine où les Doukhobors avaient entreposé une petite réserve de blé et de farine pour nourrir leurs enfants. Là, les femmes et les enfants ont essayé pacifiquement de sauver le travail de leurs hommes et de leurs parents ainsi que leur maigre subsistance. En pleurant, ils ont supplié cette bande cruelle de ne pas prendre leur dernier morceau de pain quotidien. Cela n’a pas aidé, et en réponse à leurs pleurs, ils ont été tabassés, battus sans pitié avec des fouets et ils ont été piétinés par les chevaux. Avec des pleurs déchirants, les femmes et les enfants les ont suppliés d’avoir pitié. Une femme a été si gravement blessée qu’elle a dû être transportée chez elle. Une fois les femmes et les enfants éloignés du moulin, les bourreaux ont fracassé la porte et se sont mis au travail, y prenant le blé et la farine.
Avant que cette bande n’arrive au village des Doukhobors, ils s’étaient emparés de cinq cargaisons de traverses qui étaient prêtes à être envoyées au Canadien Pacifique. Ils se sont aussi emparés de deux camions et d’autres machineries. Selon l’inventaire, ils ont pris plus de 20 000,00 $ en biens meubles appartenant aux Doukhobors pour se rembourser une somme de 4 000,00 $ due pour des amendes.
Cette destruction a été commandée par les personnes haut placées à Victoria parce que les enfants doukhobors ne vont pas à l’école anglaise. Nous voulons vous faire remarquer que les Cosaques russes du Caucase, sous les ordres de l’officier Praga, nous avaient fait subir le même type de brutalité en 1895, alors qu’ils avaient fouetté les Doukhobors et les avaient piétinés avec des chevaux parce que ces derniers avaient brûlé leurs armes à feu. Tout le monde sait que le gouvernement russe était très cruel, comme des peuples guerriers non civilisés, mais même là-bas, ce comportement a été jugé comme un abus d’autorité et l’officier Praga a été rétrogradé, congédié et puni. Dans ce pays civilisé, cela ne devrait pas arriver que les gens paisibles et sans défense, spécialement les femmes et les enfants, soient battus sans pitié par une bande semblant sous l’influence de l’alcool et qui dévalise des habitants pacifiques et détruit leurs biens, se comportant comme des bandits à un moment où toute la chrétienté se prépare à célébrer le grand Événement, la Résurrection de Jésus-Christ, qui a sacrifié Sa Vie sur le Golgotha pour les péchés du monde entier. Si ce pays civilisé possède de bonnes lois, faites non pas par un seul homme comme cela se fait dans les pays où règnent des rois et des despotes, mais par la population d’un pays libre, cette population passerait-elle de telles lois pour que des gens paisibles et sans défense se fassent battre même s’ils n’ont commis aucun acte criminel?
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Les Doukhobors ne veulent pas envoyer leurs enfants à l’école anglaise parce qu’ils veulent préserver leur foi pour laquelle leurs ancêtres ont souffert pendant des centaines d’années et parce qu’ils désirent préserver leur langue russe.
Nous avons constaté l’erreur de nos frères en Saskatchewan, eux qui ont envoyé leurs enfants à l’école anglaise jusqu’à l’âge limite. Leurs enfants ne veulent plus parler la langue russe à leurs parents. Quelle langue utiliseront-ils à l’avenir pour proclamer la foi de leurs pères? Plusieurs de leurs filles ont marié des hommes qui n’étaient pas de leur foi, et ce, sans le consentement de leurs parents. De plus, l’éducation reçue à l’école influence les enfants et ils n’honorent plus leurs parents comme ils le devraient mais ils se laissent plutôt tenter par le travail facile et ils veulent fuir l’agriculture, un travail honnête. Si tout le monde est éduqué et vit dans les villes, alors qui travaillera la terre et produira la nourriture?
Le gouvernement local et la population blâment les Doukhobors de ne pas avoir obéi aux lois canadiennes. Laissez-nous vous répondre à ce sujet : où trouverez-vous sur la planète des lois supérieures à celles auxquelles obéissent les Doukhobors? Ne pas porter d’armes à feu, vivre en paix, ne pas tuer d’animaux, ne pas manger de viande, ne pas boire de whiskey, ne pas utiliser de tabac sous quelque forme que ce soit. Depuis vingt-cinq ans que nous vivons au Canada, nous n’avons jamais porté atteinte au gouvernement ou à la population de ce pays.
Nous vous demandons respectueusement de nommer une commission pour enquêter sur les Doukhobors, parce que selon ce que nous avons compris des paroles de l’inspecteur Dunwoody, il y aura un autre acte de brutalité contre nous dans un avenir prochain.
Nous pensons que c’est une déshonneur affreux que, dans ce pays civilisé, les gens paisibles soient dévalisés, qu’on leur enlève toute leur nourriture et qu’ils doivent souffrir de la faim.
Les Doukhobors seront forcés de quitter leurs maisons et de rejoindre les travailleurs du pays, mais que vont y gagner la population et le gouvernement de ce pays? Vous avez déjà dans ce pays trop d’éléments qui ne travaillent pas, de pauvres travailleurs qui n’ont pas de nourriture ou de travail et qui sont nourris par le gouvernement aux frais des contribuables.
Nous vous supplions, cher monsieur, de considérer sérieusement notre appel au secours et de prendre les mesures nécessaires pour arrêter la persécution de chrétiens. L’utilisation de la force et de la violence à ce moment – un temps de savoir et de progrès – n’a pas sa place et n’apporte rien de bon au présent gouvernement ni aux citoyens de ce pays.
Nous répétons que, dans ce pays civilisé, nous avons perdu notre bien-aimé Peter, le Divin, de qui nous sommes encore en deuil et pour qui nous prions Dieu constamment. Nous vous supplions au nom de Jésus-Christ de nous laisser vivre en paix.
Respectueusement
THE CHRISTIAN COMMUNITY OF UNIVERSAL BROTHERHOOD, Ltd.
(Signé.) par Someon F. Maxortoff,
Directeur.