Sur le sentier du parc Algonquin

La longue descente des billots

[ Gilmour jackladder, with work crew ]

Monte-grumes et travailleurs de la Gilmour , Inconnu, Algonquin Park Archives, APMA 1097, La Gilmour & Company a construit un syst�me de passes � bois et de monte-grumes. Apr�s avoir fait flotter les billes sur les lacs Joe et Canoe, puis leur avoir fait descendre la rivi�re Oxtongue jusqu’au lac des Baies, la compagnie foresti�re utilisait les monte-grumes et les passes � bois pour acheminer les billes � travers les collines s�parant le lac des Baies du lac Raven, et le lac Raven du lac Ste-Nora. � partir de l�, les billes �taient flott�es jusqu’� Trenton, par le lac Ontario, o� la Gilmour & Co. exploitait des scieries. Sur le monte-grumes, les billes �taient remont�es � l’aide des passes � bois, puis elles glissaient de l’autre c�t�

Presque toutes les histoires traitant du parc Algonquin font mention du c�l�bre et inhabituel parcours de drave qu’empruntaient les billots de pin de la Gilmore Lumber Company pour se rendre de leur lieu d’exploitation � la limite du parc jusqu’� la scierie de Trenton. L’op�ration �tait co�teuse, mais c’est la distance sur laquelle on faisait la drave, c’est-�-dire la distance entre la for�t o� le bois �tait coup� et le moulin � scie, qui en a fait le sujet de conversation durant plusieurs ann�es : le sujet de la drave amenait de l’eau au moulin. � peu pr�s � la m�me �poque, une compagnie am�ricaine poss�dait des droits de coupe sur une bande de for�t dans le comt� de Butt, situ� dans le district de Nipissing. On faisait la drave des billots, dont plusieurs �taient tr�s gros, sur la rivi�re Magnetewan jusqu’� Byng Inlet, puis on en formait des estacades qui �taient remorqu�es jusqu’� Bay City, Michigan. Selon un document officiel que j’ai lu, les billots drav�s atteignaient en moyenne un peu plus de cinq cent pieds-planche chacun. M�me avec les r�gles de cubage utilis�es � l’�poque, cela signifie que ces billots �taient �normes.

Ce qui rendait la drave de la Gilmore si inhabituelle �tait que les billots passaient trois cours d’eau diff�rents. Puisque le si�ge social de la compagnie se trouvait au lac Canoe et que les campements �taient �galement dans les environs, on empruntait d’abord la rivi�re Oxtongue. On suivait ensuite la rivi�re Black puis finalement la rivi�re Gull pour le reste du trajet jusqu’� Trenton.

Mon p�re a travaill� dans un des campements le premier hiver, ou plut�t les deux premiers hivers. Le campement o� il travaillait �tait situ� juste � c�t� de l’emplacement du barrage � l’extr�mit� du lac Joe. La Gilmore y avait �rig� un barrage de r�servoir lorsqu’elle exploitait la for�t et il y �tait toujours lorsque je m’y suis rendu pour la premi�re fois en 1914. � cette �poque, il �tait �galement facile de distinguer les fondations de l’ancien campement puisqu’elles n’�taient pas enti�rement pourries.

J’aurais d� mentionner plus t�t qu’un grand nombre de pins poussent dans cette r�gion. La premi�re fois que je m’y suis rendu, le feu avait tout br�l� et les nouvelles pousses n’avaient pas encore cach� les souches. Quelle for�t cela avait d� �tre! […]

Les arbres �taient coup�s beaucoup plus tard au printemps qu’ils ne le sont maintenant. Sans doute � cause de la proximit� de l’eau. Une fois la coupe termin�e, plusieurs hommes �taient demeur�s au campement puisqu’il �tait situ� loin de chez eux et que la drave allait commencer d�s que la temp�rature et la glace le permettraient. Le d�gel avait eu lieu assez t�t, mais comme le froid �tait revenu, il semblait que la crue printani�re allait se terminer avant que la glace ne se retire des lacs. Il a donc �t� n�cessaire de dynamiter la glace qui recouvrait le lac Potter pour que les billots puissent enfin entreprendre leur long trajet. Papa m’a dit que c’�tait le 28 avril, mais je ne sais pas si c’est la date o� on a fait exploser la glace sur le lac ou celle o� les billots sont finalement partis. Quoi qu’il en soit, l’eau �tait encore froide et puisque le ruisseau entre le lac Potter et le lac Canoe �tait trop petit pour qu’un bateau puisse y naviguer, cela signifiait beaucoup de passages � gu�.

Au lac Canoe, les billots se sont ajout�s � ceux qui provenaient du lac Joe, et au lac Tea, � ceux du lac Smoke. Il ne s’est rien pass� de sp�cial pendant le reste du trajet de la drave jusqu’au lac des Baies et � Dorset.

� un mille au sud de Dorset, une compagnie de marchands de bois avait construit un convoyeur � cha�ne sans fin, semblable aux monte-grumes utilis�s pour transporter les billots des cours d’eau jusque dans les scieries. Au sommet de la colline, les billots descendaient par un chenal sur une distance d’un mille, puis entraient dans le convoyeur � cha�ne sans fin qui les amenait jusqu’au lac Raven, puis de la rivi�re Black au lac Hallow. Il y avait un barrage sur le lac Hallow qui augmentait le niveau de l’eau et un foss� avait �t� creus� � un des endroits les moins profonds pour que l’eau et les billots puissent traverser un mar�cage et se rendre jusqu’au marais Harvey, o� un autre canal avait �t� creus� jusqu’au lac Sainte-Norah. Comme je l’ai dit plus t�t, le reste du trajet se d�roulait sur les eaux de la rivi�re Gull. La drave se rendait seulement jusqu’aux chutes Healey, pr�s de Campellford, et s’arr�tait le 1er octobre.

Papa a �galement travaill� dans les campements de draveurs la deuxi�me ann�e, mais m�me si leur exp�rience de la premi�re ann�e a pu les aider, le niveau de l’eau �tait bas et la drave s’est arr�t�e le 13 octobre � Lakefield. Ce ne fut pas une bonne ann�e puisqu’ils ont re�u une bonne bord�e de neige, vingt-deux pouces, aux chutes Fenelon, au d�but du mois d’octobre, et que les hommes devaient souvent travailler dans des v�tements gel�s.

Papa a mentionn� que la nourriture �tait bonne et qu’il y en avait amplement. Pour la plus grande partie du trajet, le campement du cuisinier devait �tre sur un radeau ou une brelle. Le plus haut salaire qu’on pouvait obtenir �tait 28,00 $ par mois, pension incluse.

Il y a apparemment eu une troisi�me coupe et une troisi�me drave, auxquelles mon p�re n’a pas particip�, et cette fois la drave s’est rendue jusqu’au lac Rice dans la m�me ann�e. Mais au cours de ces trois draves, les billots n’ont pas atteint la scierie la premi�re ann�e.

� peu pr�s � la m�me �poque que la construction du chemin de fer du Canada atlantique par J.R. Booth, le c�l�bre b�cheron, Gilmore a construit une scierie au lac Canoe, qui �tait co�teuse elle aussi, puisqu’elle �tait situ�e � plus d’un mille du chemin de fer, et il a fallu construire une longue voie d’�vitement. On a ensuite d�couvert que le pin n’�tait pas de bonne qualit�. Il y avait des traces de pourriture dans la majorit� des arbres, ce qui signifiait que le bois �tait de qualit� inf�rieure.

Avec des co�ts d’exploitation �lev�s, la compagnie ne pouvait se permettre de produire du bois d’œuvre de qualit� inf�rieure si elle voulait empocher des profits et les activit�s ont cess� au d�but du si�cle.

Lorsque je suis venu travailler dans le parc pour la premi�re fois en 1914, on parlait encore beaucoup du pin qui avait �t� gaspill� et des planches de trois pouces, appel�es madriers, qui avaient �t� utilis�es pour faire du remplissage dans les endroits humides afin qu’on puisse y empiler le bois.

Il est difficile de comprendre pourquoi le pin aurait �t� de mauvaise qualit�. Par la suite, la Huntsville Lumber Company a elle aussi �tabli son quartier g�n�ral au lac Canoe durant quelques ann�es et les billots qu’elle a abattus �taient drav�s jusqu’� Huntsville. La majorit� des billots, n’�taient s�rement pas de mauvaise qualit�, car ils �taient utilis�s pour fabriquer du bois �quarri, lequel requiert des billots de pin de qualit� sup�rieure.

� peu pr�s � ce moment, les premiers b�cherons abattaient des arbres dans le canton de Proudfoot et on m’a racont� que le pin qu’ils ont coup� �tait de la meilleure qualit� que l’on pouvait trouver en Ontario.

Source: Ralph Bice, "La longue descente des bilots" in Along the Trail in Algonquin Park, (Toronto: Natural Heritage/Natural History, 2001), 32-34. Notes: Extrait tir� du livre "Along the trail in Algonquin Park with Ralph Bice" [� Sur le sentier du parc Algonquin avec Ralph Bice �], (Scarborough, Ont.:Consolidated Amethyst, 1980). ISBN: 13:978-0-920474-19-8. Reproduit avec le permission de The Dundurn Group

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