Publication du célèbre rapport « Le réseau d’espionnage Sorge »
CANADIAN EMBASSY
AMBASSADE DU CANADA
Washington, D.C.
19 février 1949.
No. 431
EXTERNAL AFFAIRS = AFFAIRES EXTÉRIEURES
Monsieur,
J’ai l’honneur de joindre à titre d'information des copies du désormais célèbre rapport de l’armée américaine sur « Le réseau d’espionnage Sorge – Une étude de cas sur l’espionnage international en Extrême-Orient » qui a été préparée il y a quelque temps par la division G2 du quartier général du SCAP [Supreme Commandant of Allied Powers — Commandement suprême des puissances alliées], à Tokyo, mais qui n’a été rendu public que le 10 février.
[…]
2. La publication de ce rapport a fait la une des journaux le 11 février en partie à cause de son atmosphère empreinte de clandestinité (et avec une approche semblable) qui s’apparente aux films de série B, mais surtout à cause des accusations portées contre Mlle Agnes Smedley, une écrivaine américaine assez connue pour ses écrits sur les questions chinoises, qui aurait été membre d’un réseau d’espionnage soviétique en Extrême-Orient. Il est maintenant généralement accepté que la publication de ce rapport très coloré, portant en grande partie sur des documents issus des fichiers de renseignement japonais, était regrettable à tout le moins. Marquis Childs est celui qui s’est le mieux acquitté de la tâche de remettre les choses en perspective dans deux articles parus dans le Washington Post (18 et 19 février). Son principal argument est que cette publication a créé un nouveau et dangereux précédent non seulement parce que les accusations contre Mlle Smedley étaient non fondées, mais aussi à cause de la prémisse sous-jacente à l’approche de l’auteur : il faut provoquer le public pour attraper des espions. Comme il le fait remarquer dans son second article, attraper des espions est une affaire de professionnels « et ne devrait pas être entrepris par ceux qui ne peuvent distinguer entre les pensées déloyales et les actes déloyaux qui pourraient survenir hors des modèles classiques. » M. Childs tente également de dissiper tout malentendu qui pourrait provenir de l’admiration que portent les auteurs au rapport de la Commission royale du Canada, car on peut difficilement comparer le rapport de la Commission à un récit qui exprime des opinions hautement personnelles et qui est « basé sur des sources dérivées qui n’ont pas été vérifiées et qui sont principalement des déclarations d’espions allemands et japonais faites avant leur exécution. »
3. On peut se faire une idée de l’atmosphère du rapport en lisant ce passage souvent cité : « On en arrive à se demander en qui avoir confiance, quel camarade innocent ou quel ami loyal pourrait soudainement devenir un ennemi. Il pourrait avoir n’importe quel visage. »
4. À ma connaissance, personne n’a fait remarquer que les auteurs étaient assurément des adeptes de L’il Abner, et qu’ils devaient être en train de lire « Any Face » mettant en vedette Fearless Fosdick au moment de rédiger.
Pièces jointes 3
Le Secrétaire d’État
aux Affaires extérieures,
O t t a w a, Canada.
Veuillez agréer
Monsieur,
Mes salutations les plus distinguées,
Thomas A. Stone [signé]
Pour l’Ambassadeur.