Le premier rapport de la GRC sur Norman
17 octobre 1950
ULTRA SECRET
À : [nom supprimé en vertu de la Loi d’accès à l’information]
[trois lignes ont été supprimées en vertu de la Loi d’accès à l’information]
2. NORMAN est un fonctionnaire de haut rang du ministère des Affaires extérieures et il a travaillé comme chef de la Mission canadienne à Tokyo depuis le mois d’août 1946. Voici quelques notes biographiques :
« Né le 1er septembre 1909. Académie canadienne, Kobe, Japon; Collège Albert, Belleville, Ont.; Collège Victoria, Université de Toronto, 1929-1933 (Études classiques) B.A.; Collège Trinity, Cambridge, 1933-1935 (Histoire) B.A.; a reçu une bourse de trois ans de la Fondation Rockefeller; Institut Harvard Yenching, Université Harvard, 1936-1938 (japonais et histoire du Japon) M.A., Ph. D.; recherche sur l’histoire du Japon, Institut des relations du Pacifique, New York, 1938-1939. S’est joint aux Affaires extérieures comme agent linguistique, Légation canadienne, Tokyo, juillet 1939; placé en résidence surveillée au Japon, décembre 1941 — juillet 1942; retour à Ottawa et impliqué dans le travail sur l’Extrême-Orient, avril 1943; chef de la délégation canadienne à Manille sur le rapatriement des prisonniers civils, février 1946; a participé aux travaux de la Commission sur l’Extrême-Orient, Washington, mars 1946; la Commission préparatoire, Washington, avril-juin 1946; nommé chef de la Mission de liaison canadienne à Tokyo, août 1946; a participé à la Conférence du Commonwealth sur le règlement de paix avec le Japon, Canberra, août-septembre 1947. Auteur de Japan’s Emergence as a Modern State [L’émergence du Japon comme état moderne]. Marié. »
3. Citations d’une lettre rédigée par le brigadier général E. R. THORPE en 1946 au premier ministre et au secrétaire d’État des Affaires extérieures de l’époque :
« De la reddition du Japon à aujourd’hui, M. E. Herbert Norman de votre ministère des Affaires extérieures a servi comme membre du service de sécurité civile, à notre quartier général, dont je suis l’officier responsable.
Je voudrais vous exprimer ma reconnaissance personnelle pour les services rendus par M. Norman. Sa connaissance profonde du Japon, ses brillantes réussites intellectuelles et son désir de faire tout ce qu'il peut dans notre travail ont conféré une grande valeur à sa contribution pour faire de l’occupation un succès.
Durant son séjour chez nous, M. Norman a gagné le respect et l'admiration de toutes les personnes avec qui il a travaillé. Ce sera difficile, en effet, de le remplacer après son départ.
Je vous suis très reconnaissant de la générosité que vous avez démontrée en lui permettant de passer avec nous ces derniers mois qui se sont avérés critiques et je vous en remercie sincèrement. »
4. En lien avec l’enquête du Sous-comité sénatorial sur les accusations du sénateur McCARTHY, nous avons appris que le brigadier général Elliot R. THORPE, qui était le chef de la sécurité du général MacARTHUR de 1942 à 1946, a témoigné en faveur d’Owen LATTIMORE [en mars 1950] au Sous-comité sénatorial enquêtant sur les accusations faites contre le département d’État par le Sénateur McCARTHY. Après avoir témoigné de sa confiance en LATTIMORE, THORPE a été interrogé par le sénateur HICKENLOOPER. Une des questions posées par HICKENLOOPER concernait son association « avec un homme nommé E. Herbert NORMAN » lors de la préparation de rapports de sécurité sur l’Asie. Au début, il ne pouvait se souvenir de M. NORMAN; puis, le général THORPE s’est souvenu qu’ils « travaillaient ensemble au contre-espionnage jusqu’à ce que M. NORMAN soit nommé représentant canadien à la Commission sur l’Extrême-Orient. » HICKENLOOPER a demandé à THORPE s’il se souvenait du rapport sur les affaires asiatiques préparé pour le général WILLOUGHBY. Le général a répondu : « Pas à ma connaissance. Je suis certain que ce n’était pas lorsque j’y étais. » Après l’ajournement, un journaliste a demandé au sénateur HICKENLOOPER le sens de sa référence à NORMAN. Il a refusé de commenter. Abe FORTAS, avocat de LATTIMORE, a suggéré au journaliste que les questions du sénateur HICKENLOOPER sur NORMAN avaient indiqué un désir d’établir un lien avec l’enquête canadienne sur l’espionnage.
5. Une vérification des dossiers révèle ce qui suit :
- Un certain [nom supprimé en vertu de la Loi d’accès à l’information] est soupçonné d’être un agent soviétique et on croit qu’il aurait détenu un poste très élevé comme membre secret du P.O.P. Son statut actuel n’a pas encore été déterminé. Il était cependant, [deux lignes supprimées en vertu de la Loi d’accès à l’information] au moment où il était de notoriété publique que l'organisation était sous contrôle des communistes. En mai 1948, le sous-main appartenant à [ligne supprimée en vertu de la Loi d’accès à l’information]. Ce sous-main contenait les noms, adresses et numéros de téléphone de plusieurs personnes dont le nom apparaît dans nos dossiers de subversifs. Parmi ces entrées, il y en a deux qui se lisent comme suit :« Herb NORMAN - 73481 »
Ce numéro a été biffé et dessous apparaît :
« Herby NORMAN - 6129 ». - En février 1940, un agent secret à Toronto a rapporté qu’un certain professeur Herbert NORMAN, qui était à l’époque à l’Université Harvard et relié à l’Université McMaster à Hamilton, était un membre du Parti communiste du Canada. La source affirmait que NORMAN avait l'intention de revenir au Canada dans l'espoir d’obtenir un poste de professeur à l’Université de Toronto ou à l’Université Queen’s. À l’époque on a procédé à des enquêtes et on a appris qu’il n’y avait aucun dossier au nom de Herbert NORMAN comme professeur à l’Université McMaster et qu’aucun ancien employé de McMaster n’avait fréquenté Harvard à cette époque. Il n’y a pas d’identification positive entre ce professeur Herbert NORMAN et le sujet de ce rapport et on ne sait pas si le sujet a jamais été professeur dans une université.
- GOUZENKO, dans son témoignage à la Commission royale, a déclaré qu’en 1944 Moscou avait demandé au colonel ZABOTIN s’il connaissait une personne nommée NORMAN. ZABOTIN a répondu par la négative. Plus tard, dans une édition de « Vestnik », une photographie de [nom supprimé] a été publiée. Le lieutenant-colonel MOTINOF a demandé à ZABOTIN si [supprimé] était la personne au sujet de laquelle Moscou avait posé des questions. ZABOTIN a donné instruction à MOTINOF de voir PAVLOV (NKVD) et de demander si [supprimé] était un de ces hommes. PAVLOV a répondu « il est à nous, ne lui touchez pas ». Cette information a été envoyée à Moscou et aucun message n’a été reçu par la suite. Pour étudier cette information, Moscou a demandé si la personne nommée NORMAN est connue de ZABOTIN. C’est possible que le GRU (service secret de l’armée) ait reçu ce nom d’un autre ministère tel que le M.G.B. ou le M.V.D. Le nom a possiblement été cité comme une source de renseignements provenant du Canada, ce qui a intéressé le G.R.U. Ces derniers, voulant une vérification indépendante de la source, auraient demandé à leur représentant canadien, ZABOTIN, s’il connaissait NORMAN. Il semble peu probable qu’ils auraient inclus aux fins de vérification le prénom d’une personne qu’ils ne connaissaient pas. Les deux [supprimé en vertu de la Loi d’accès à l’information] étaient déjà connus. ZABOTIN et MOTINOF n’ont pas demandé à PAVLOV s’il connaissait une personne du nom de NORMAN, mais la discussion aurait tourné autour de [nom supprimé]. Il n’y a aucune connexion entre [nom supprimé] et NORMAN autre que la supposition de la part de ZABOTIN. Il est à noter que Moscou n'a pas confirmé cette hypothèse. NORMAN serait le nom de famille d’une personne pour qui les services de renseignement russes démontraient un intérêt. Il est cependant impossible de l’identifier positivement.
6. Simultanément à l’étude de notre dossier, une enquête a été menée à Toronto, Hamilton et Ottawa et les résultats sont les suivants:
- Le « 275 rue Field, Ottawa », noté dans le calepin de HALPERIN, est le « 275 rue Friel », Ottawa. Nous savons qu'un appartement à cette adresse a été occupé de 1943 à 1946 par E. Herbert NORMAN.
- L'adresse « 108 rue Charles O., Toronto » (calepin de HALPERIN) a été occupée entre 1940 et 1949 par la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté.
- Le numéro de téléphone « 6129 » noté à côté du nom de NORMAN dans le sous-main de [nom supprimé en vertu de la Loi d’accès à l’information] est celui de la section de l’Extrême-Orient du ministère des Affaires extérieures.
- L’adresse « 280 rue Ottawa, Hamilton », listée dans le calepin de HALPERIN, est celle du beau-père de NORMAN, Harry CLARK. M. CLARK, un vieil homme de plus de 70 ans, occupe présentement un petit appartement à cette adresse. [ligne supprimée] CLARK et on a appris qu'il consacre la majeure partie de son temps à assister à des parties de football ou de hockey et à d’autres évènements sportifs.
- Une vérification au Bureau de l’état civil, Toronto, indique qu’un des témoins au mariage de NORMAN à Laura Irene CLARK le 31 août 1935 était un certain C. P. H. HOLMES. Cet homme est identifié comme étant Charles P. H. HOLMES. Il est né au Japon en 1910. [six paragraphes supprimés]
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7. Nous avons appris que NORMAN était quelqu’un de cultivé, avec des connaissances en histoire, en économie et autres sujets connexes. Plus particulièrement, il était reconnu internationalement comme un important chercheur en histoire du Japon. Comme indiqué dans le paragraphe 2, il a étudié dans plusieurs universités et a travaillé pendant quelque temps pour l’Institut des relations du Pacifique.
8. Le ministère des Affaires extérieures a été mis au courant des renseignements contenus dans ce rapport. Nous avons été informés que son transfert de Tokyo à Ottawa a été décidé il y a quelque temps et qu’il devrait prendre le bateau en novembre. Étant donné ces développements, cependant, il est rappelé immédiatement.
(R.A.S. MacNeil), Insp.,
pour l’officier responsable de la Division spéciale