12,000 CANADIENS SALUENT LA NOBLESSE DE LA RUSSIE
Toronto Daily Star, 20 janvier 1943
« Nous savons que la Russie survivra », a déclaré Mme Roosevelt à la foule assemblée au Forum de Montréal alors que les esprits sont transportés au pays des batailles gigantesques, de l’endurance et de l’héroïsme
par M. H. Halton
Montréal, 20 jan. – Montréal et Mme Eleanor Roosevelt ont rendu un hommage magnifique hier soir à la noblesse de la Russie.
Douze mille Montréalais se sont réunis dans un grand aréna, le Forum, pour entendre Mme Roosevelt parler de la contribution canadienne au Fonds d’aide à la Russie. Ils ont acclamé cette grande dame lorsqu’elle a parlé avec émotion du courage et de la ténacité de l’Angleterre. Ils l’ont acclamé par des tonnerres d'applaudissements lorsqu'elle a parlé de la noblesse de la Russie.
« Nous savons que la Russie survivra », a déclaré Mme Roosevelt.
Le silence suit les applaudissements
Un silence de quelques secondes a suivi comme si les pensées des 12,000 personnes s’étaient déplacées de 5,000 milles à Schluesselburg et vers les héros de Leningrad, à Velikie Lukie et Voronezh, à Millerovo et Kotelnikovski, à Stalingrad et les vastes plaines et forêts glacées qui ont enseveli la crème des légions allemandes – et celles de la Russie.
Un autre silence s’est installé lorsque Feodor Gousev, ministre de la Russie au Canada, a affirmé en parlant d’une voix basse et posée : « Alors que nous nous rencontrons ici à Montréal, de gigantesques batailles font rage à des milliers de milles dans mon pays, de l’océan Arctique aux montagnes du Caucase.
Au cours des 20 derniers mois, nous avons combattu comme jamais auparavant dans l’histoire de l’humanité; notre peuple, par millions, souffre et meurt. [...] »
Rassemblements contrastés
C'était une grande manifestation, hier soir. [...]
Elle était aussi spectaculaire. Les fanfares des armées de terre et de l’air jouaient les hymnes nationaux, le Star Splangled Banner, le God Save the King et l’Internationale. La voix mélodieuse d’une jeune fille chantait le Ô Canada. Il y avait les immenses drapeaux nationaux, le Union Jack, le Stars and Stripes et le drapeau de la Russie, une bannière rouge foncé arborant le marteau et la faucille de couleur or. […] Rangée après rangée de Canadiens, conscients de l’importance du moment, saluant dans cet aréna le drapeau rouge ce qui, il y a cinq ans, était défendu aux restes en lambeaux du bataillon canadien Mackenzie-Papineau qui s’était battu en Espagne pour la cause pour laquelle nous nous battons maintenant.
Debout pour l’Internationale
À Montréal, il y avait 12,000 personnes debout au garde-à-vous pour l’Internationale. À mes côtés, une jeune Canadienne française m’a chuchoté : « Il y a cinq ans, la police a fouillé mes appartements pour trouver des enregistrements de l’Internationale. » [...]
Le ministre russe est applaudi
Le suivant à prendre la parole a été le ministre russe, cet homme tranquille, de petite taille et au visage intelligent; il a été applaudi comme jamais on aurait pensé qu’un communiste serait applaudi au Canada. Lorsqu’il a parlé de Staline, la salle croulait sous les applaudissements. « Stalingrad est une corde d’acier au cou de l’ennemi, et Velikie Lukie et Stalingrad. Des millions d'Allemands bercés d’illusions ont trouvé la mort dans les vastes espaces de l’Union soviétique et nous savons que nous ne sommes pas seuls », a-t-il dit.
Je me suis dit : « Si seulement cela pouvait continuer comme ça après la guerre. »