Norman rend hommage à un ami tué pendant la guerre civile en Espagne

Cambridge [Massachusetts]
4 février [1937]

Cher Howie,

[…]

Comme tu le dis, les nouvelles en provenance d’Espagne sont encourageantes, mais toujours lamentables; les informations deviennent si violemment profascistes que cela démontre la détermination de la bourgeoisie internationale avec à sa tête la Grande-Bretagne, et qui est commandée efficacement par l’Italie et l’Allemagne pour empêcher la victoire du Front populaire espagnol

Je ne pense pas t’avoir dit (parce que la lettre était si générale) qu'au début janvier j'ai reçu une lettre d'un ami à Cambridge [Angleterre] m'annonçant la mort d'un ami et d’un collaborateur très proche, [E. C. B.] MacLauren, du Collège St. John’s, qui a été tué aux portes de Madrid pendant les premiers jours de l'attaque. Il s’était porté volontaire dans la Brigade internationale, un groupe « qui pourrait prendre d’assaut les cieux » si jamais cela avait existé. (As-tu pris connaissance des récits complets d'héroïsme acharné de cette brigade? […])

Cet ami était un néo-zélandais, un mathématicien brillant. On s’était rencontré dans des réunions politiques et ailleurs à Cambridge et on se rapprochait à la même vitesse de la gauche et avec le même type d’hésitations pour finalement en arriver à la même conclusion en même temps. C'est difficile et vain de décrire mes sentiments lorsque j'ai appris la nouvelle. Je pense que toi et moi sommes tellement proches que tu peux imaginer ce que j'ai ressenti, un mélange de honte, d'orgueil et de rage; honte pour ma vie facile en lieu sûr; orgueil de partager la même cause politique et l’amour de la justice et de l’humanité avec lui et les gens comme lui; la rage face à la suffisance et à la fourberie avec lesquelles la « démocratie » britannique, américaine et française considère les intentions de l’Allemagne comme étant au même niveau que celles de la Brigade internationale, et à la vitesse dégoûtante avec laquelle Roosevelt et le Congrès ont passé une loi pour empêcher la population espagnole, dans le besoin et mal équipée, de recevoir par bateau quelques petites cargaisons de vêtements usagés, des avions et des munitions – tout cela au nom de la neutralité!

J’ai pensé sérieusement quelques fois à partir pour l’Espagne. Je n’en ai jamais discuté avec Irene, mais j’en suis venu à la conclusion que mon incapacité totale en ce qui concerne les affaires militaires me rendrait à peu près inutile à la Brigade internationale qui a besoin de vétérans ou d’hommes qui ont des connaissances militaires; par contre, la poussée émotive de partir est très forte et le « bon sens » et tout ce que cela implique aussi bien que les considérations énumérées plus haut m’ont fait reculer, ce qui fait office d’un certain baume « émotif ».

[…]

Affectueusement, comme toujours,
Herb

Source: University of British Columbia Rare Books and Special Collections, Roger Bowen Collection, Box 2, File 2-6, E. Herbert Norman, Norman rend hommage à un ami tué pendant la guerre civile en Espagne, 4 février 1937

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