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Histoire ou passé

par Ruth Sandwell

Dans cette introduction, les élèves apprennent à reconnaître l’importance des sources alors qu’ils explorent les six différences principales entre l’histoire et le passé. Les enseignants peuvent facilement adapter le contenu pour différents niveaux d’apprentissage.

Introduction pour les enseignants

Le passé n’est pas l’histoire. Le passé inclut tout ce qui s’est passé depuis le début des temps : chaque pensée et chaque action posées par tous les humains sur la planète, chaque arbre qui est tombé dans la forêt et chaque transformation chimique dans l’univers. Quant à l’histoire, c’est une interprétation ou plutôt un processus par lequel quelqu’un interprète les documents du passé. L’histoire est un processus d’interprétation de preuves qui se fait d’une façon réfléchie et qui est basé sur des preuves. L’histoire est le récit qui aide à comprendre la signification du passé dans le présent et donne un poids à ces explications.

Activités

Divisez la classe en groupes de deux ou trois élèves et demandez-leur de débattre la question suivante :

Quelles sont les différences entre l’«histoire » et le « passé »?

Demandez aux élèves de noter au moins deux différences. Au fur et à mesure que vous obtenez des réponses, notez-les au tableau. Amenez-les très tôt dans la conversation à prendre en considération le fait que le passé est constitué de toutes les petites choses qui se sont produites, auxquelles on a pensé ou rêvé (chaque évènement, pensée, croyance, chaque atome qui a bougé, chaque arbre qui est tombé dans la forêt sans que personne ne le voit), alors que l’histoire, de son côté, est la tentative faite par quelqu’un pour remettre un peu d’ordre et de sens dans ce chaos. La différence fondamentale entre l’histoire et le passé que vous devez révéler à vos élèves, s’ils ne le trouvent pas eux-mêmes, c’est que :

a) la preuve, ou un document, doit être créée

Puisque les élèves ne sont habituellement pas d’accord avec l’idée que l’histoire ne constitue pas tous les évènements qui se sont produits ou tout ce que les historiens ont déjà écrit à son sujet, et parce qu’il est presque impossible pour eux de comprendre l’histoire en tant que processus d’enquête critique sans cette compréhension, il vaut la peine de consacrer du temps à l’importance de la preuve qui nous vient du passé. Même si les historiens tendent à utiliser des documents écrits pour comprendre le passé, ils ne sont pas limités à ces types d’archives. Aucune affirmation ne peut être faite sur le passé sans une preuve qui ait traversé le temps, qu’elle soit sous forme écrite, illustrée, archéologique ou verbale. Nous ne pouvons tout simplement pas connaître le passé s’il n’en existe aucune trace. Si les élèves ont encore des doutes, demandez-leur de vous donner un exemple d’exception à cette règle.

b) la preuve, ou un document, doit être préservée

Non seulement, doit-on créer des documents décrivant un évènement, une pensée ou une conviction, mais il faut les préserver afin qu’ils soient connus plus tard. Demander aux élèves de réfléchir aux documents qu’ils ont déjà laissés et qu’un historien pourrait utiliser dans une centaine d’années afin d’étudier les élèves du secondaire au vingt-et-unième siècle. Les élèves devraient prendre note non seulement du caractère limité des documents qu’ils laissent derrière eux, comparé à leur vie entière, mais aussi du fait qu’un grand nombre de ces documents – par exemple leurs notes de cours, des photos de familles ou des courriels – ne survivront probablement pas pendant une centaine d’années ou ne seront pas préservés dans un endroit où un historien pourrait les trouver. Quelle opinion aurait un historien des écoles secondaires si les seuls documents ayant survécu étaient l’évaluation des élèves par les professeurs?

c) la signification

Un document sur le passé existe habituellement grâce à une décision, prise en toute conscience, ou non, par un individu sur ce qui est important. Qui détermine quels documents sont créés et lesquels sont préservés? Ensuite, qui détermine ce qui pourrait intéresser les historiens? Sur quelles bases? Les raisons pour lesquelles différents types de documents ou de preuves, par exemple des billets de retard ou les dossiers d’un conseiller qui décrivent un comportement aberrant, ou les courriels ou les notes d’un élève ou des journaux intimes, sont créés et préservés (ou non) donnent différentes idées à propos de ce qui est important concernant la vie au secondaire. Les historiens ne s’entendent pas sur ce qui est important au moment d’écrire leurs histoires. Si un historien du vingt-deuxième siècle voulait documenter une époque de violence particulière de la société, par exemple, il pourrait se tourner vers les écoles secondaires afin de trouver une preuve qui pourrait fournir des exemples de conflit. Un historien qui s’intéresse aux écoles secondaires en tant que communauté qui prépare les élèves à la vie pourrait chercher plutôt une preuve qui témoignerait de la coopération ou du succès scolaire comme précurseurs d’une carrière couronnée de succès.

d) l’interprétation

Il faut encourager les élèves à réfléchir à la possibilité que la vérité n’existe pas vraiment. Le passé est vraiment terminé, il n’existe tout simplement plus. Le mieux qu’on peut faire est d’évaluer raisonnablement la preuve préalablement étudiée en contexte avec ce que d’autres ont pensé de l’évènement, du comportement ou de la conviction. Même la première étape de l’enquête critique qui définit une recherche historique – la décision sur quoi écrire – fait appel à l’interprétation. Pourquoi écrire sur les écoles secondaires? Pourquoi pas sur les employés de bureau ou sur les premiers ministres? La deuxième étape, celle qui consiste à choisir la preuve sur le sujet, est également interprétative : pourquoi utiliser les registres du directeur pour tenter de comprendre la vie à l’école secondaire au vingt-et-unième siècle? Pourquoi pas les journaux intimes des élèves? Ou un état de recensement qui traite de la taille moyenne des familles de la population étudiante? Ou le sexe et l’état civil des professeurs? Chacune de ces preuves donnera aux historiens de l’avenir une interprétation légèrement différente de « ce qui s’est passé » dans les écoles secondaires du vingt-et-unième siècle.

Chaque décision quant à ce qui est pris en considération et quant à la raison de ce choix reflète l’opinion de l’historien concernant ce qui est important dans la société, présente ou passée. Une note importante ici : selon notre expérience, nous croyons que beaucoup d’élèves de niveau secondaire s’accrochent encore à l’idée que la seule façon de connaître l’histoire est de lire les comptes rendus des témoins oculaires des évènements. Ils sont peu habitués à lire à travers les lignes des sources pour y trouver plus de renseignements historiques que l’auteur n’avait au départ l’intention d’en fournir. Dans le même ordre d’idées, ils ignorent généralement que les historiens ne font pas simplement que dresser la liste des faits rapportés par les témoins oculaires des évènements. Les historiens vont bien au-delà des témoignages individuels et interprètent les documents dans le cadre de questions significatives à propos du passé. Par exemple, pour répondre à la question « Quelles ont été les conséquences à long terme de la Politique nationale? », il est impossible de se fier uniquement aux dires d’un témoin. Il faut interpréter un large éventail de preuves sur plusieurs sujets, comme les relations commerciales, le niveau de vie et peut-être même le taux de morbidité.

e) un récit significatif

Afin de faire une interprétation utile de la preuve du passé, les historiens doivent incorporer leurs interprétations dans un récit significatif qui explique la preuve qu’ils ont étudiée dans un certain nombre de contextes. Les historiens doivent donner une signification, en d’autres mots, non seulement quant aux autres preuves du passé, mais aussi par rapport à ce que les autres historiens ont dit à propos de cette preuve. Mais ils abordent aussi souvent les types de problèmes et les problématiques qui intéressent les gens dans le présent. Ainsi, le récit doit souligner non seulement le bien-fondé de l’interprétation, mais aussi sa signification dans le passé et dans le présent.

f) en résumé

En résumé, voici les cinq points qui, tout en soulignant la nature conditionnelle et construite de l’histoire en tant que processus, peuvent offrir aux élèves une introduction à l’étude des sources :

  • un document doit avoir été créé (même si ce n’est qu’un simple souvenir);
  • le document doit avoir été préservé au fil du temps;
  • le document doit avoir été trouvé par quelqu’un qui lui accordera de l’importance (au moment de sa découverte);
  • ce document créé, préservé et jugé important doit être interprété en contexte à l’aide tant des sources que des études;
  • cette preuve doit être incorporée dans un récit historique significatif.